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[Interview] Entretien avec Alix Desforges, chercheuse en cyberstratégie

Aujourd’hui, on va parler de chaire en cyberstratégie avec cette interview d’Alix Desforges, chercheuse au sein de la chaire CASTEX, créée en 2011.


Merci à elle pour s’être prêtée au jeu et nous en dire un peu plus sur les travaux de recherche et les évènements organisés par cette chaire.


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Bonjour Alix, peux-tu nous présenter ton parcours professionnel ?


Alix Desforges – Bonjour Nicolas. C’est encore un tout jeune parcours professionnel. Je travaille depuis un an en tant que chercheuse au sein de la chaire Castex de cyberstratégie (Cercle des Partenaires de l’IHEDN/Fondation d’entreprise Airbus Group). Après une licence de géographie, j’ai intégré l’Institut Français de Géopolitique (Paris 8) afin de travailler sur les questions des usages des technologies de l’information dans les conflits géopolitiques. J’y ai obtenu un Master et y poursuit actuellement ma thèse sous la direction de Frédérick Douzet.


C’est à la suite d’un cours de licence sur l’utilisation des technologies de l’information et de la communication dans la crise ivoirienne de 2002 que j’ai réalisé l’importance et le potentiel de recherche sur cette question. La suite de mon parcours a été guidée par l’actualité et les opportunités offertes par l’équipe pédagogique de l’IFG. En 2008, le Livre Blanc sur la Défense et Sécurité Nationale m’a servi sur un plateau mon sujet de thèse en introduisant la sécurité des systèmes d’information dans le premier cercle des « capacités nécessaires au maintien de l’autonomie stratégique et politique de la nation » (LBDSN, 2008) au même titre que la dissuasion nucléaire, que le secteur des missiles balistiques et que les sous-marins nucléaires d’attaque.


Tu travailles aujourd’hui au sein de la Chaire CASTEX. Peux-tu nous expliquer ce qu’est une Chaire et nous parler des objectifs de la Chaire CASTEX ?


AD – La chaire Castex de cyberstratégie est le fruit de l’engagement de la Fondation d’entreprise Airbus Group en matière de soutien à la recherche académique auprès du fond de dotation de l’IHEDN (Cercle des partenaires de l’IHEDN). Elle a été créée en novembre 2011. Madame Frédérick Douzet en est aujourd’hui la titulaire. Nous avons défini quatre grands domaines de recherche :




  • Positionnement des grands acteurs nationaux et organisations internationales et régionales en matière de cyberdéfense et de cybersécurité. Il s’agit ici d’un travail de clarification conceptuelle (définition du cyberespace et ses représentations, typologies des menaces, notion de territoire dans le cyberespace). Ce domaine de recherche comprend également un volet cartographie géopolitique dans le but de servir la réflexion stratégique.



  • Aspects politiques et juridiques de la maîtrise de la conflictualité dans le cyberespace. Les questions de coopération et de confiance sont au cœur de cette thématique.



  • Cyberespace et secteurs d’activité d’importance vitale. Il s’agit d’envisager la cybersécurité de façon systémique afin de mener une réflexion sur le rôle et la responsabilité de chacun des acteurs concernés dans la participation à l’effort de sécurisation des systèmes.



  • Et enfin la cybersécurité sous l’angle économique. Il s’agit d’envisager la cybersécurité comme une entreprise de gestion du risque (coûts/bénéfices).


A ce titre un numéro double de la revue de géographie et de géopolitique Hérodote sortira en avril. Il couvrira différents aspects des questions relatives à la géopolitique du cyberespace (gouvernance de l’Internet, espionnage, enjeux militaires et juridiques). De nombreux experts français et américains ont participé à ce numéro dont Martin Libicki (RAND Corporation), Olivier Kempf (Alliance géostratégique) et Kavé Salamatian (Université de Savoie). Stéphane Frénot, Stéphane Grumbach (INRIA) ou encore Bertrand de la Chapelle (Projet Internet et Juridiction) nous livrent également leurs analyses dans ce numéro dirigé par Frédérick Douzet, titulaire de la chaire.


Outre vos travaux de recherche, vous organisez de nombreux évènements qui donnent la parole à des chercheurs du monde entier. Après Thomas Rid, auteur de l’excellent « Cyber war will not take place », vous recevez bientôt James A. Lewis. Peux-tu nous en dire plus sur vos évènements et sur le programme du prochain ?


AD – L’équipe de la chaire organise régulièrement des conférences avec des intervenants de haut niveau aux profils variés sur des sujets divers (stratégique, juridique, technique). Ils peuvent être chercheurs, politiques, techniciens etc. David Sanger, journaliste au New York Times et auteur de Confront and Conceal a été le premier à partager son expertise dans le cadre des activités de la chaire en avril 2013.


Nous avons également mis en place un séminaire Jeunes Chercheurs qui regroupe un ensemble d’étudiants de Master et de doctorants travaillant sur des sujets cyber aux formations diverses (droit, géopolitique, relations internationales, sciences de gestion). L’objectif de ce séminaire est de favoriser les échanges entre chercheurs de différentes disciplines sur un sujet qui est particulièrement transdisciplinaire.


Les 13 et 14 mars prochain nous avons l’honneur d’accueillir James Lewis du CSIS dans le cadre de notre colloque intitulé « Le monde après Snowden ». Il y présentera une allocution liminaire dans laquelle il reviendra sur le contexte qui a permis à la NSA de mettre en place de tels programmes.


Pensé dans le cadre des séminaires Jeunes Chercheurs de la chaire, l’objectif de ce colloque international n’est pas de revenir sur les révélations d’Edward Snowden. Beaucoup a déjà été dit. Il s’agit davantage de réfléchir d’un point de vue politique et stratégique à l’impact de ces révélations sur les procédures de contrôle des agences de renseignement en démocratie, sur nos pratiques sur l’Internet (big data, protection des données personnelles), et sur les enjeux soulevés par ces révélations en matière de souveraineté pour la France et l’Europe.


Le colloque en partenariat avec LeMonde.fr, l’Institut Français de Géopolitique et l’Université Paris 8 abordera trois sujets via trois panels. L’intervention de James Lewis sera suivie d’un panel sur le thème démocratie et surveillance avec comme principale questionnement : comment maintenir une sécurité collective tout en garantissant les libertés individuelles ? L’après midi du jeudi 13 mars sera consacrée aux enjeux démocratiques des données (Big data et Open data). Le dernier panel sera enfin l’occasion de s’interroger sur les pistes politiques et stratégiques pour l’Europe et à la France à l’aune des révélations de Snowden.


James Lewis ne sera pas la seule personnalité internationale de ce colloque soutenu par le député Eduardo Rihan Cypel. Nous attendons également le journaliste britannique qui a révélé l’existence du réseau Echelon, Duncan Campbell, Christopher Soghoian de l’American Civil Liberties Union, mais également des députés européens comme Amelia Anderstotter (députée du Parti Pirate), le Sénateur Jean-Marie Bockel ou encore l’un des responsables éditoriaux du Guardian.


Et toi, comment analyses-tu ce monde post Snowden ? Est-ce que tu penses que ces révélations vont vraiment faire bouger les lignes dans le cyberespace ?


AD – Il y a plusieurs réponses à cette question en fonction de l’angle sous lequel on l’analyse. D’un point de vue défense et renseignement, il est peu probable que ces révélations fassent bouger les grandes lignes d’alliances et de coopération. Mais les enjeux économiques soulevés à cette occasion pourraient en modifier la nature car ils sont intimement liés aux enjeux de défense.


En revanche, ces révélations auront, je l’espère, davantage de répercussions sur les questions relatives à la démocratie (vie privée, sécurité) et aux enjeux de souveraineté pour la France et l’Europe. Mais pour avoir les premières pistes, il faudra attendre le colloque de mars prochain.


Pour les inscriptions au colloque, c’est par ici.


Merci Alix !

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